Ce qu'il faut comprendre par mode de vie simple
Extrait du livre « Effondrement puis métamorphose » page 189-197. Voir lectures conseillées
Chapitre 11
Ce qu’il faut comprendre par mode d’existence simple
Dans un mode d’existence simple, l’activité totale humaine devrait fluctuer autour d’une moyenne stable se situant en-dessous du seuil d’incompatibilité de ce que notre biosphère peut supporter. Un mode d’existence simple peut être austère, comme il peut être épicurien ou hédoniste. Il peut être aussi une combinaison équilibrée de ces trois façons de vivre. Cela dépend de la volonté, de l’imagination, de la culture populaire, de l’environnement naturel et du choix d’existence sociétale que chaque communauté devrait être en droit de choisir.
Aller du complexe vers le simple signifie faire un transfert progressif du temps consacré à la spirale production-consommation-travail vers un autre, dirigé vers les relations humaines et la recherche de l’essentiel plutôt que celle du superflu, du gadget, de la redondance ou du gaspillage.
Dans cette optique, un mode d’existence simple devrait par exemple favoriser la qualité des produits plutôt que leur quantité, leur originalité ou leur aspect. Ces produits devraient être faits dans le but de durabilité, avec des éléments normalisés, interchangeables. Ils devraient être faits de manière à être réparés par des outils simples et normalisés. Le but étant bien sûr de moins jeter, de moins gaspiller de matière première et d’énergie exogène tout en gardant certains avantages technologiques. Idéalement, les lieux de production devraient être proches des lieux de consommation et être de la dimension de petites et moyennes entreprises. L’artisanat et la passion du beau travail devraient retrouver leurs lettres de noblesses avant qu’un certain savoir-faire ait totalement disparu.
Un retour vers les travaux de la terre est inévitable.
La perte graduelle du nombre d’esclaves énergétiques par habitant imposera une réorganisation du travail. L’importance du secteur tertiaire devra diminuer au profit du secteur primaire. En clair, nous devrions voir un reflux des populations des villes vers les campagnes par manque d’emplois dans les villes et par une demande accrue de main d’œuvre dans les campagnes.
Au sein d’une société simple le travail de la terre pourrait devenir un travail recherché contrairement au rejet observé dans les sociétés civilisées. Pourquoi cela ? Parce qu’il pourrait enfin représenter une activité d’utilité publique à la fois intellectuelle, physique et artistique.
Activité intellectuelle, parce que les paysans des sociétés simples du futur pourraient ne plus être des serfs dépendants de riches propriétaires et de manipulateurs des industries agroalimentaires et phytosanitaires. Ils devront eux-mêmes observer et analyser leurs cultures et élevages sur le terrain. Avec l’aide des sciences naturelles, ils observeront et analyseront le fonctionnement du réseau trophique de leur biotope particulier afin de pouvoir exploiter leurs ressources de manière durable. Avec les gestionnaires des stocks de nourriture et les cuisiniers, ils seront les garants d’une alimentation saine, variée et indépendante des aléas climatiques. Les cultures et les élevages ne se feront plus sur de grandes surfaces de monoculture à rendement poussé, mais sur des petites surfaces de cultures variées et vivrières. Seuls, les surplus seront destinés à l’échange ou à un revenu pécuniaire.
Activité physique, car le travail à l’extérieur imposera une dépense d’énergie faisant appel à tous les muscles, meilleur moyen de rester en forme, tout en aguerrissant l’organisme à supporter les rigueurs du climat. Le travail pourrait être organisé au mieux pour que la santé physique et mentale de chacun et chacune puisse s’épanouir favorablement.
Activité artistique car, bien organisé, le travail de la terre devrait laisser suffisamment de temps pour développer des activités artistiques comme le théâtre, la musique, les arts picturaux, la danse, etc. La pratique de ces arts ne serait plus dans un but de satisfaire son ego au travers d’un « star system », mais plutôt une réponse à un besoin d’exprimer ses ressentis sous différentes formes d’expression et pour le bonheur des autres.
Le mode d’existence occidentale actuel est indiscutablement pathogène mais ses effets néfastes sont partiellement compensés par un système pharmaceutique et médical très élaboré, lourd tant économiquement que psychiquement et, qui plus est, souvent iatrogène. À l’inverse, un mode d’existence simple, fait d’une alimentation saine dont la quantité est liée à nos dépenses d’énergie endogène, beaucoup moins stressé, plus riche en valeurs affectives, devrait mieux nous préserver des maladies psychosomatiques et psychiques. Il devrait abaisser notablement les maladies dégénératives telles que les maladies cardiovasculaires et certains types de cancer.
De l’air et de l’eau moins pollués, des produits agricoles plus riches en valeurs nutritives, car cultivés sur des terres non épuisées, des élevages naturels, des bons repas cuisinés et dégustés en famille ou avec des amis, des activités physiques raisonnables variées mais régulières, une vie sexuelle épanouie, des temps libres pour se retrouver avec soi-même, méditer, réfléchir, écouter sa « petite voix intérieure », partager des moments chaleureux avec d’autres personnes, cultiver la gentillesse et la disponibilité envers les autres, sont autant d’éléments que pourrait nous offrir un mode d’existence simple pour rester en bonne santé, avec un minimum de soins médicaux. Pour ceux que la maladie ou l’accident devraient malheureusement atteindre, les bienfaits des différentes thérapies ancestrales ou modernes ne sont bien sûr pas à exclure, bien au contraire mais pour autant qu’elles ne redeviennent pas de simples produits de consommation, manipulés par de grands consortiums.
Un mode d’existence simple, basé sur la confiance, l’honnêteté et le respect, enseigné dès le plus jeune âge par l’exemple, devrait conduire à une grande simplification de la législation et réduire grandement toutes les activités résultant du manque de ces trois valeurs. Un mode d’existence simple implique que les éventuels délits soient aussi de nature simple. Dès lors, les jugements devraient pouvoir être rendus rapidement et l’accusé devrait pouvoir se défendre lui-même avec les témoins de son choix, sans l’obligation d’un avocat. À moins d’une faute extrêmement grave, faite par un individu reconnu dangereux pour la sécurité de la société, le coupable devrait accomplir sa peine dans des travaux d’utilité publique.
Un mode d’existence simple implique un système économique simple dans lequel la monnaie correspond à un équivalent de travail, de biens et de services. La monnaie ne devrait plus être considérée comme une valeur marchande. Les spéculations boursières ou autres, les crédits bancaires et leurs intérêts, les placements en bourse devraient devenir, à court terme, de plus en plus raisonnables pour n’être plus qu’anecdotiques à moyen terme. Même dans un mode d’existence simple, on devra admettre que les travaux n’ont pas tous la même valeur monétaire. Idem pour les valeurs marchandes de l’environnement naturel tels le bois, les produits agricoles, les métaux, etc. Toutefois, en ce qui concerne la valeur horaire du travail humain, manuel ou intellectuel, ce dernier devrait toujours se trouver à l’intérieur d’une fourchette jugée acceptable par l’ensemble de la communauté.
Dans un mode d’existence simple, la recherche de richesses matérielles devrait être remplacée par celle de la richesse de l’esprit. Contrairement aux richesses matérielles, celles de l’esprit ne nous quittent jamais, elles sont imprenables et inviolables. Contrairement aux richesses matérielles, celles de l’esprit augmentent quand elles sont partagées par une saine communication (voir appendice A3).
Plus un intellect est entraîné à discerner, observer, analyser, comparer, réfléchir, plus il est protégé des manipulateurs essayant d’imposer leurs dogmes religieux, politiques ou mercantiles pour leur seul avantage. Le développement de l’esprit nécessite une quasi révolution dans l’enseignement et dans notre définition de qui est intelligent et qui ne l’est pas. Il nous faudra admettre qu’il y a plusieurs formes d’intelligence comme il y a plusieurs formes de sensibilité. Les classer par ordre de valeurs est un non-sens. L’intérêt est dans la diversité. Chaque individu d’une société harmonieuse et simple devrait se développer intellectuellement selon la forme particulière et intrinsèque de sa forme de compréhension et de sa sensibilité. Forcer des intellects à s’adapter à un moule unique ne peut créer chez certains individus que frustrations et blocages psychologiques alors que chez d’autres c’est l’orgueil et le sentiment de supériorité qui va les dominer. Tous ces effets psychologiques sur les individus sont loin d’être anodins. Ils présentent un danger direct réel pour ceux qui en sont atteints et indirect pour le système qui les a créés.
Il n’y a aucune raison pour qu’un mode d’existence simple rejette globalement les avancées techniques et scientifiques. Il devrait seulement exiger qu’on en fasse une meilleure utilisation en s’assurant que ces avancées représentent indiscutablement un gain durable dans le développement humain sans nuire sérieusement à certaines couches sociales, ni à l’environnement, ni à certaines populations, ni aux générations futures. Ces avancées techniques devront aussi être compatibles avec le flux d’énergie exogène et la quantité de matière à disposition. Tant que le doute existe il faut s’en passer, c’est le principe de précaution.
Dans un mode d’existence simple, l’absence d’abondance devrait redonner le goût du partage, de l’entraide et de la solidarité. Les efforts physiques et mentaux, non mus par l’ego personnel ou collectif, mais plutôt pour le bien d’une vie harmonieuse, ne peuvent que revigorer le corps et l’esprit. Trop de confort amollit, fragilise et sépare les individus.
Un mode d’existence simple devrait permettre au bon sens de s’exprimer sans que la propagande sous toutes ses formes, reliée par les médias ou pas, s’interposent en manipulant les esprits pour soutenir un système marchand, politique ou idéologique. Par exemple, pour se protéger du froid dans sa maison, on peut admettre qu’il est parfois tout aussi correct de revêtir une laine de quelques centaines de grammes, ou endurcir son corps, plutôt que d’ajouter une tonne de produit isolant (même écologique) sur les murs de la maison.
Un mode d’existence simple, dans une région donnée, devrait tendre le plus possible vers l’indépendance alimentaire. En d’autres termes, agriculture, élevage, pêche, cueillette et chasse devraient suffire en quantité et en qualité à la population régionale, cela à chaque instant et pour de nombreuses générations. Assurer l’alimentation d’une région uniquement par des échanges avec des biens non alimentaires (minerais, industries ou services non renouvelables) fait courir le risque de famines éventuelles ou de conflits inter-régionaux. Si une région ne peut pas subvenir correctement aux besoins alimentaires de sa propre population, cette dernière devrait procéder à un ajustement démographique. L’éthique d’un mode d’existence simple n’est pas d’aller piller les richesses d’un autre pays sous prétexte qu’il ne sait pas les exploiter ou qu’il n’en a pas l’utilisation ou, dans le même ordre de cynisme, lui détruire son mode alimentaire sous prétexte qu’on a mieux à lui proposer.
Dans un mode d’existence simple, il est inconcevable qu’un individu soit laissé pour compte, qu’il n’ait pas sa place dans la société et qu’à moins d’une très grave faute, il soit privé de l’essentiel, à savoir une nourriture saine et équilibrée, un logement salubre, une non entrave à sa vie affective et sexuelle, au respect de ses croyances et de sa sphère privée. La liberté de chacun, tant qu’elle n’empiète pas sur celle de l’autre, est une richesse fondamentale. La recherche de compromis par une saine communication entre esprits non stressés devrait être la règle d’une société simple. La charte des droits de l’homme devrait avoir aussi sa contrepartie : la charte de ses devoirs. Mais plutôt que des lois, il vaudrait peut-être mieux développer, dès le plus jeune âge, une sensibilité, un intérêt, un respect, une attention pudique pour l’autre qui rendraient les relations humaines plus simples, plus chaleureuses, plus sécurisantes. L’intolérance et le laxisme sont deux extrêmes à éviter. La médisance, l’appel à la violence et à la haine peuvent faire très mal et se retournent presque toujours contre ceux qui les ont engendrés. De même, la mentalité du « ce n’est pas mon problème », « ils n’ont qu’à… », « J’en ai rien à faire » devrait disparaître au profit d’un esprit de solidarités naturelle.
Un mode d’existence simple devrait aussi nous aider à faire le transfert de la mentalité du toujours plus, du toujours mieux, du meilleur, du plus performant, du plus riche, du plus fort, vers celle de la non compétition, de l’entraide, du respect de toutes existences et de toutes choses, environnement compris, sans chercher pour cela une récompense, un prix, une médaille. C’est moins d’ego, de virtuel, de publicité, de média, de star system, de désirs mais au contraire plus de plaisir, de moments partagés, de joie, d’humour, et de rires.
Ces qualités, alliées à la tolérance sont au centre d’un mode d’existence simple.
Le système politique idéal d’une société privilégiant un mode d’existence simple est tout naturellement la démocratie directe prise dans son sens originel : la souveraineté du peuple, par le peuple et pour le peuple. Pour que le peuple soit souverain, sa circonscription politique doit être régionale de manière que tout citoyen puisse comprendre les problèmes qui lui sont posés et y répondre en connaissance de cause. Plus la société est simple, plus les problèmes sont simples. Plus la communauté est restreinte, plus il est facile de faire fonctionner correctement la démocratie directe. Ce type de système politique devrait garantir une stabilité politique et sociale pour autant que les règles actuelles, utilisées par la plupart des démocraties, soient revues et corrigées. De grandes réformes devraient être menées, pour permettre une analyse correcte de la consultation populaire et savoir si, les propositions faites correspondent réellement à ce que demande l’ensemble du peuple. (Voir Effondrement puis métamorphose, appendice A5 pp 291-296)
Ainsi, à priori, il n’y a aucune raison de craindre un mode d’existence simple choisi volontairement. Il peut nous offrir des richesses et du bien-être de bien meilleure qualité par rapport à l’offre actuelle des sociétés complexe. Finalement tout dépend de nous.
Voilà pour les grandes lignes. Pour ce qui est des détails et des côtés pratiques, il existe un grand nombre de références, d’exemples, de philosophies, décrivant des modes d’existence simple, parfois imaginaires, parfois vécus par différentes communautés. Nous en avons déjà parlé au chapitre précédent. II faut toutefois admettre que la plupart des communautés ayant su maintenir au travers des siècles des modes d’existence simple au sein du monde occidental, ont très souvent été inspirées, soit par un courant philosophique, soit par une idéologie religieuse. Elles ne représentent qu’une toute petite fraction de la population occidentale.
Malgré la source d’inspiration qu’elles peuvent nous apporter, nous devons reconnaître qu’elles ont souvent poussé la simplicité et la rigidité mentale à un niveau tel, que ces modes d’existence ne sont pas directement applicables à une population générale, hétéroclite dans ses croyances et attachée fortement à ses habitudes.
Quoi qu’il en soit, ne pas avoir peur d’un mode d’existence simple ne nous donne pas pour autant la recette pour passer d’une société complexe d’abondance comme la nôtre, vers une société simple.
La façon de penser et d’agir dans un mode d’existence simple est totalement différente que celle qui s’impose au sein d’une société complexe.
La question est alors la suivante : doit-on d’abord changer la façon de penser et d’agir pour accepter et réussir une existence simple, ou est-ce le mode d’existence simple qui modifiera, par la force des choses, la façon de penser et d’agir ?
Chapitre 11
Ce qu’il faut comprendre par mode d’existence simple
Dans un mode d’existence simple, l’activité totale humaine devrait fluctuer autour d’une moyenne stable se situant en-dessous du seuil d’incompatibilité de ce que notre biosphère peut supporter. Un mode d’existence simple peut être austère, comme il peut être épicurien ou hédoniste. Il peut être aussi une combinaison équilibrée de ces trois façons de vivre. Cela dépend de la volonté, de l’imagination, de la culture populaire, de l’environnement naturel et du choix d’existence sociétale que chaque communauté devrait être en droit de choisir.
Aller du complexe vers le simple signifie faire un transfert progressif du temps consacré à la spirale production-consommation-travail vers un autre, dirigé vers les relations humaines et la recherche de l’essentiel plutôt que celle du superflu, du gadget, de la redondance ou du gaspillage.
Dans cette optique, un mode d’existence simple devrait par exemple favoriser la qualité des produits plutôt que leur quantité, leur originalité ou leur aspect. Ces produits devraient être faits dans le but de durabilité, avec des éléments normalisés, interchangeables. Ils devraient être faits de manière à être réparés par des outils simples et normalisés. Le but étant bien sûr de moins jeter, de moins gaspiller de matière première et d’énergie exogène tout en gardant certains avantages technologiques. Idéalement, les lieux de production devraient être proches des lieux de consommation et être de la dimension de petites et moyennes entreprises. L’artisanat et la passion du beau travail devraient retrouver leurs lettres de noblesses avant qu’un certain savoir-faire ait totalement disparu.
Un retour vers les travaux de la terre est inévitable.
La perte graduelle du nombre d’esclaves énergétiques par habitant imposera une réorganisation du travail. L’importance du secteur tertiaire devra diminuer au profit du secteur primaire. En clair, nous devrions voir un reflux des populations des villes vers les campagnes par manque d’emplois dans les villes et par une demande accrue de main d’œuvre dans les campagnes.
Au sein d’une société simple le travail de la terre pourrait devenir un travail recherché contrairement au rejet observé dans les sociétés civilisées. Pourquoi cela ? Parce qu’il pourrait enfin représenter une activité d’utilité publique à la fois intellectuelle, physique et artistique.
Activité intellectuelle, parce que les paysans des sociétés simples du futur pourraient ne plus être des serfs dépendants de riches propriétaires et de manipulateurs des industries agroalimentaires et phytosanitaires. Ils devront eux-mêmes observer et analyser leurs cultures et élevages sur le terrain. Avec l’aide des sciences naturelles, ils observeront et analyseront le fonctionnement du réseau trophique de leur biotope particulier afin de pouvoir exploiter leurs ressources de manière durable. Avec les gestionnaires des stocks de nourriture et les cuisiniers, ils seront les garants d’une alimentation saine, variée et indépendante des aléas climatiques. Les cultures et les élevages ne se feront plus sur de grandes surfaces de monoculture à rendement poussé, mais sur des petites surfaces de cultures variées et vivrières. Seuls, les surplus seront destinés à l’échange ou à un revenu pécuniaire.
Activité physique, car le travail à l’extérieur imposera une dépense d’énergie faisant appel à tous les muscles, meilleur moyen de rester en forme, tout en aguerrissant l’organisme à supporter les rigueurs du climat. Le travail pourrait être organisé au mieux pour que la santé physique et mentale de chacun et chacune puisse s’épanouir favorablement.
Activité artistique car, bien organisé, le travail de la terre devrait laisser suffisamment de temps pour développer des activités artistiques comme le théâtre, la musique, les arts picturaux, la danse, etc. La pratique de ces arts ne serait plus dans un but de satisfaire son ego au travers d’un « star system », mais plutôt une réponse à un besoin d’exprimer ses ressentis sous différentes formes d’expression et pour le bonheur des autres.
Le mode d’existence occidentale actuel est indiscutablement pathogène mais ses effets néfastes sont partiellement compensés par un système pharmaceutique et médical très élaboré, lourd tant économiquement que psychiquement et, qui plus est, souvent iatrogène. À l’inverse, un mode d’existence simple, fait d’une alimentation saine dont la quantité est liée à nos dépenses d’énergie endogène, beaucoup moins stressé, plus riche en valeurs affectives, devrait mieux nous préserver des maladies psychosomatiques et psychiques. Il devrait abaisser notablement les maladies dégénératives telles que les maladies cardiovasculaires et certains types de cancer.
De l’air et de l’eau moins pollués, des produits agricoles plus riches en valeurs nutritives, car cultivés sur des terres non épuisées, des élevages naturels, des bons repas cuisinés et dégustés en famille ou avec des amis, des activités physiques raisonnables variées mais régulières, une vie sexuelle épanouie, des temps libres pour se retrouver avec soi-même, méditer, réfléchir, écouter sa « petite voix intérieure », partager des moments chaleureux avec d’autres personnes, cultiver la gentillesse et la disponibilité envers les autres, sont autant d’éléments que pourrait nous offrir un mode d’existence simple pour rester en bonne santé, avec un minimum de soins médicaux. Pour ceux que la maladie ou l’accident devraient malheureusement atteindre, les bienfaits des différentes thérapies ancestrales ou modernes ne sont bien sûr pas à exclure, bien au contraire mais pour autant qu’elles ne redeviennent pas de simples produits de consommation, manipulés par de grands consortiums.
Un mode d’existence simple, basé sur la confiance, l’honnêteté et le respect, enseigné dès le plus jeune âge par l’exemple, devrait conduire à une grande simplification de la législation et réduire grandement toutes les activités résultant du manque de ces trois valeurs. Un mode d’existence simple implique que les éventuels délits soient aussi de nature simple. Dès lors, les jugements devraient pouvoir être rendus rapidement et l’accusé devrait pouvoir se défendre lui-même avec les témoins de son choix, sans l’obligation d’un avocat. À moins d’une faute extrêmement grave, faite par un individu reconnu dangereux pour la sécurité de la société, le coupable devrait accomplir sa peine dans des travaux d’utilité publique.
Un mode d’existence simple implique un système économique simple dans lequel la monnaie correspond à un équivalent de travail, de biens et de services. La monnaie ne devrait plus être considérée comme une valeur marchande. Les spéculations boursières ou autres, les crédits bancaires et leurs intérêts, les placements en bourse devraient devenir, à court terme, de plus en plus raisonnables pour n’être plus qu’anecdotiques à moyen terme. Même dans un mode d’existence simple, on devra admettre que les travaux n’ont pas tous la même valeur monétaire. Idem pour les valeurs marchandes de l’environnement naturel tels le bois, les produits agricoles, les métaux, etc. Toutefois, en ce qui concerne la valeur horaire du travail humain, manuel ou intellectuel, ce dernier devrait toujours se trouver à l’intérieur d’une fourchette jugée acceptable par l’ensemble de la communauté.
Dans un mode d’existence simple, la recherche de richesses matérielles devrait être remplacée par celle de la richesse de l’esprit. Contrairement aux richesses matérielles, celles de l’esprit ne nous quittent jamais, elles sont imprenables et inviolables. Contrairement aux richesses matérielles, celles de l’esprit augmentent quand elles sont partagées par une saine communication (voir appendice A3).
Plus un intellect est entraîné à discerner, observer, analyser, comparer, réfléchir, plus il est protégé des manipulateurs essayant d’imposer leurs dogmes religieux, politiques ou mercantiles pour leur seul avantage. Le développement de l’esprit nécessite une quasi révolution dans l’enseignement et dans notre définition de qui est intelligent et qui ne l’est pas. Il nous faudra admettre qu’il y a plusieurs formes d’intelligence comme il y a plusieurs formes de sensibilité. Les classer par ordre de valeurs est un non-sens. L’intérêt est dans la diversité. Chaque individu d’une société harmonieuse et simple devrait se développer intellectuellement selon la forme particulière et intrinsèque de sa forme de compréhension et de sa sensibilité. Forcer des intellects à s’adapter à un moule unique ne peut créer chez certains individus que frustrations et blocages psychologiques alors que chez d’autres c’est l’orgueil et le sentiment de supériorité qui va les dominer. Tous ces effets psychologiques sur les individus sont loin d’être anodins. Ils présentent un danger direct réel pour ceux qui en sont atteints et indirect pour le système qui les a créés.
Il n’y a aucune raison pour qu’un mode d’existence simple rejette globalement les avancées techniques et scientifiques. Il devrait seulement exiger qu’on en fasse une meilleure utilisation en s’assurant que ces avancées représentent indiscutablement un gain durable dans le développement humain sans nuire sérieusement à certaines couches sociales, ni à l’environnement, ni à certaines populations, ni aux générations futures. Ces avancées techniques devront aussi être compatibles avec le flux d’énergie exogène et la quantité de matière à disposition. Tant que le doute existe il faut s’en passer, c’est le principe de précaution.
Dans un mode d’existence simple, l’absence d’abondance devrait redonner le goût du partage, de l’entraide et de la solidarité. Les efforts physiques et mentaux, non mus par l’ego personnel ou collectif, mais plutôt pour le bien d’une vie harmonieuse, ne peuvent que revigorer le corps et l’esprit. Trop de confort amollit, fragilise et sépare les individus.
Un mode d’existence simple devrait permettre au bon sens de s’exprimer sans que la propagande sous toutes ses formes, reliée par les médias ou pas, s’interposent en manipulant les esprits pour soutenir un système marchand, politique ou idéologique. Par exemple, pour se protéger du froid dans sa maison, on peut admettre qu’il est parfois tout aussi correct de revêtir une laine de quelques centaines de grammes, ou endurcir son corps, plutôt que d’ajouter une tonne de produit isolant (même écologique) sur les murs de la maison.
Un mode d’existence simple, dans une région donnée, devrait tendre le plus possible vers l’indépendance alimentaire. En d’autres termes, agriculture, élevage, pêche, cueillette et chasse devraient suffire en quantité et en qualité à la population régionale, cela à chaque instant et pour de nombreuses générations. Assurer l’alimentation d’une région uniquement par des échanges avec des biens non alimentaires (minerais, industries ou services non renouvelables) fait courir le risque de famines éventuelles ou de conflits inter-régionaux. Si une région ne peut pas subvenir correctement aux besoins alimentaires de sa propre population, cette dernière devrait procéder à un ajustement démographique. L’éthique d’un mode d’existence simple n’est pas d’aller piller les richesses d’un autre pays sous prétexte qu’il ne sait pas les exploiter ou qu’il n’en a pas l’utilisation ou, dans le même ordre de cynisme, lui détruire son mode alimentaire sous prétexte qu’on a mieux à lui proposer.
Dans un mode d’existence simple, il est inconcevable qu’un individu soit laissé pour compte, qu’il n’ait pas sa place dans la société et qu’à moins d’une très grave faute, il soit privé de l’essentiel, à savoir une nourriture saine et équilibrée, un logement salubre, une non entrave à sa vie affective et sexuelle, au respect de ses croyances et de sa sphère privée. La liberté de chacun, tant qu’elle n’empiète pas sur celle de l’autre, est une richesse fondamentale. La recherche de compromis par une saine communication entre esprits non stressés devrait être la règle d’une société simple. La charte des droits de l’homme devrait avoir aussi sa contrepartie : la charte de ses devoirs. Mais plutôt que des lois, il vaudrait peut-être mieux développer, dès le plus jeune âge, une sensibilité, un intérêt, un respect, une attention pudique pour l’autre qui rendraient les relations humaines plus simples, plus chaleureuses, plus sécurisantes. L’intolérance et le laxisme sont deux extrêmes à éviter. La médisance, l’appel à la violence et à la haine peuvent faire très mal et se retournent presque toujours contre ceux qui les ont engendrés. De même, la mentalité du « ce n’est pas mon problème », « ils n’ont qu’à… », « J’en ai rien à faire » devrait disparaître au profit d’un esprit de solidarités naturelle.
Un mode d’existence simple devrait aussi nous aider à faire le transfert de la mentalité du toujours plus, du toujours mieux, du meilleur, du plus performant, du plus riche, du plus fort, vers celle de la non compétition, de l’entraide, du respect de toutes existences et de toutes choses, environnement compris, sans chercher pour cela une récompense, un prix, une médaille. C’est moins d’ego, de virtuel, de publicité, de média, de star system, de désirs mais au contraire plus de plaisir, de moments partagés, de joie, d’humour, et de rires.
Ces qualités, alliées à la tolérance sont au centre d’un mode d’existence simple.
Le système politique idéal d’une société privilégiant un mode d’existence simple est tout naturellement la démocratie directe prise dans son sens originel : la souveraineté du peuple, par le peuple et pour le peuple. Pour que le peuple soit souverain, sa circonscription politique doit être régionale de manière que tout citoyen puisse comprendre les problèmes qui lui sont posés et y répondre en connaissance de cause. Plus la société est simple, plus les problèmes sont simples. Plus la communauté est restreinte, plus il est facile de faire fonctionner correctement la démocratie directe. Ce type de système politique devrait garantir une stabilité politique et sociale pour autant que les règles actuelles, utilisées par la plupart des démocraties, soient revues et corrigées. De grandes réformes devraient être menées, pour permettre une analyse correcte de la consultation populaire et savoir si, les propositions faites correspondent réellement à ce que demande l’ensemble du peuple. (Voir Effondrement puis métamorphose, appendice A5 pp 291-296)
Ainsi, à priori, il n’y a aucune raison de craindre un mode d’existence simple choisi volontairement. Il peut nous offrir des richesses et du bien-être de bien meilleure qualité par rapport à l’offre actuelle des sociétés complexe. Finalement tout dépend de nous.
Voilà pour les grandes lignes. Pour ce qui est des détails et des côtés pratiques, il existe un grand nombre de références, d’exemples, de philosophies, décrivant des modes d’existence simple, parfois imaginaires, parfois vécus par différentes communautés. Nous en avons déjà parlé au chapitre précédent. II faut toutefois admettre que la plupart des communautés ayant su maintenir au travers des siècles des modes d’existence simple au sein du monde occidental, ont très souvent été inspirées, soit par un courant philosophique, soit par une idéologie religieuse. Elles ne représentent qu’une toute petite fraction de la population occidentale.
Malgré la source d’inspiration qu’elles peuvent nous apporter, nous devons reconnaître qu’elles ont souvent poussé la simplicité et la rigidité mentale à un niveau tel, que ces modes d’existence ne sont pas directement applicables à une population générale, hétéroclite dans ses croyances et attachée fortement à ses habitudes.
Quoi qu’il en soit, ne pas avoir peur d’un mode d’existence simple ne nous donne pas pour autant la recette pour passer d’une société complexe d’abondance comme la nôtre, vers une société simple.
La façon de penser et d’agir dans un mode d’existence simple est totalement différente que celle qui s’impose au sein d’une société complexe.
La question est alors la suivante : doit-on d’abord changer la façon de penser et d’agir pour accepter et réussir une existence simple, ou est-ce le mode d’existence simple qui modifiera, par la force des choses, la façon de penser et d’agir ?
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