4-3
Transformation d'une énergie primaire en une énergie utile à l'Homme.
Nous avons vu dans l’exposé précédent que seule une petite fraction de l’énergie primaire exploitée par l’Homme peut être récupérée pour satisfaire ses besoins énergétiques.
Ainsi chaque fois que nous transformons une énergie primaire en une énergie utile, exactement comme dans "la machine biosphérique" ou dans le système digestif d’un organisme biologique, tout ne peut pas être utilisé. Cependant dans un organisme biologique, les pertes sont en grande partie dans ses excréments qui alimentent la chaîne alimentaire. Ce ne sont donc pas des pertes à proprement parler. Le tout fait partie d'un cycle de transformation.
Il n’en va pas de même pour les humains. Pour transformer une énergie primaire à notre profit nous devons construire une machinerie d’autant plus importante que la quantité d’énergie primaire transformée est grande. Cette machinerie perturbe l’équilibre de la biosphère de deux manières :
La première vient du fait que cette machinerie a besoin de matière et d’énergie qui seront obligatoirement puisées dans la biosphère et à son détriment.
La deuxième, vient du fait que le faible rendement de cette machinerie induit toutes sortes d’énergie et de matière qui sont toutes nuisibles directement ou indirectement à l’équilibre de la biosphère, donc aussi à l’Homme.
D’autre part, nous verrons un peu plus loin que l’utilisation de l’énergie utile, dont le but est de satisfaire les seuls besoins humains, se fait aussi au détriment de la biosphère
Ainsi, contrairement à ce qui se passe lors de la transformation d’énergie primaires au sein d’un système complexe biologique, la transformation d’une énergie primaire par le génie humain conduit toujours à des nuisances et des pollutions, soit directement pour sa partie perdue, soit indirectement pour sa partie utile. La figure 4-1 illustre les deux principales sortes de pollution engendrées par l’utilisation massive d’énergie utile exogène.
Ainsi chaque fois que nous transformons une énergie primaire en une énergie utile, exactement comme dans "la machine biosphérique" ou dans le système digestif d’un organisme biologique, tout ne peut pas être utilisé. Cependant dans un organisme biologique, les pertes sont en grande partie dans ses excréments qui alimentent la chaîne alimentaire. Ce ne sont donc pas des pertes à proprement parler. Le tout fait partie d'un cycle de transformation.
Il n’en va pas de même pour les humains. Pour transformer une énergie primaire à notre profit nous devons construire une machinerie d’autant plus importante que la quantité d’énergie primaire transformée est grande. Cette machinerie perturbe l’équilibre de la biosphère de deux manières :
La première vient du fait que cette machinerie a besoin de matière et d’énergie qui seront obligatoirement puisées dans la biosphère et à son détriment.
La deuxième, vient du fait que le faible rendement de cette machinerie induit toutes sortes d’énergie et de matière qui sont toutes nuisibles directement ou indirectement à l’équilibre de la biosphère, donc aussi à l’Homme.
D’autre part, nous verrons un peu plus loin que l’utilisation de l’énergie utile, dont le but est de satisfaire les seuls besoins humains, se fait aussi au détriment de la biosphère
Ainsi, contrairement à ce qui se passe lors de la transformation d’énergie primaires au sein d’un système complexe biologique, la transformation d’une énergie primaire par le génie humain conduit toujours à des nuisances et des pollutions, soit directement pour sa partie perdue, soit indirectement pour sa partie utile. La figure 4-1 illustre les deux principales sortes de pollution engendrées par l’utilisation massive d’énergie utile exogène.
La pollution la plus décriée par les écologistes est la pollution directe ou, mieux nommée, la pollution visible provenant de la transformation d’une énergie primaire en une énergie utile.
Par exemple, concernant les énergies fossiles, la pollution directe ou visible provient de la combustion, toujours incomplète de ces matières. Elle sort des cheminées et des pots d’échappement. On la voit et on la sent. C’est ce type de pollution qui retient avant tout l’attention de nos sociétés car elle émet des particules fines et des gaz à effet de serre. On attribue aux premières toutes sortes de maladies et aux deuxièmes les changements climatiques. Ce sont là les aspects les plus négatifs de cette pollution. Cependant d'un point de vue purement industriel et économique cette pollution est une aubaine. Elle représente le fond de commerce principal d’actions dites écologiques. Elle nourrit de nombreux sujets de recherches pour les technosciences qui espèrent ainsi relancer une industrie mondiale ayant tendance à s’essouffler. Ainsi l’écologie traditionnelle fait le bonheur des États en permettant la création de nombreux emplois.
Toutefois, les solutions proposées pour lutter contre la pollution visible issue des énergies fossiles ne font que déplacer le problème. Si l'emploi de pots catalytiques, de tonnes d'isolants dans les maisons ou le remplacement de moteurs à combustion par des moteurs électriques peuvent en effet diminuer ce type de pollution, elle augmente les pollutions indirectes comme nous allons le voir rapidement maintenant.
En effet, outre la pollution visible, il existe une autre pollution moins visible, plus sournoise, que nous qualifions ici de pollution indirecte. Bien qu’elle soit nettement plus importante que la pollution directe ou visible, elle attire moins l’attention des écologistes et de l’ensemble de la société car elle fait partie intégrante de notre mode de vie et de ce qu’on appelle le progrès. Personne ou presque n’a intérêt à la diminuer, d’autant plus que ce type de pollution est commun à tous les types d’énergie primaire, que ce soit du fossile, du nucléaire, du solaire, de l’éolienne, de la géothermie, de la biomasse ou autres. Elle prend au moins deux formes principales:
1°) Pollution indirecte due à la production d’énergie utile.
Qu’elle que soit l’énergie primaire utilisée, sa transformation nécessite toujours des atteintes à l’environnement. Par exemple, l’énergie potentielle de gravitation d’un réservoir d’eau, transformée en électricité par les barrages hydroélectriques (considérés par les écologistes comme une énergie « verte »), provoquent des changements plus ou moins importants dans le biotope de leurs bassins et de plus nécessitent des mégatonnes de béton armé et beaucoup de métaux pour les turbines, les transformateurs, les lignes électriques, les pylônes etc.
Il faut admettre que toute transformation d’énergie primaire en énergie utile, verte ou pas, nécessite des travaux d’extraction de matières dans la croûte terrestre. Ces extractions concernent parfois directement l’énergie primaire comme c’est le cas pour les énergies fossiles, ou les matières fissiles (comme l’uranium), mais dans tous les cas elles exigent des extractions de matières premières tels le fer, cuivre, manganèse, tungstène, vanadium, lithium, nickel, cobalt, argent, or, mercure, terres rares, ou calcaire de sable et d’argile pour faire du ciment, etc..
Pour quelques grammes de matière utile recherchée, il faut déplacer des quantités considérables de matière non utile à l'Homme mais vitale pour tous les habitants du biotope concerné. Toutes les matières utiles à l'Homme serviront indirectement, et après moult transformations, en général très énergivores, à fabriquer les produits qui entrent dans la construction, l’exploitation et l’entretien des systèmes transformant l’énergie primaire en énergie utile.
A leurs tours, tous ces minerais doivent être déplacés du lieu d’extraction vers le lieu de transformation, puis vers les différentes industries chargées de construire les appareils ad ’hoc pour la transformation d’énergie primaire en énergie utile. Il faudra aussi se débarrasser des énormes quantités de déchets miniers et industriels ainsi générés. Finalement, il faudra déplacer la machinerie de transformation d'énergie ou leurs composants sur leur lieu d’exploitation.
Tout ceci nécessite la construction :
-de véhicules lourds (camions, cargos, trains de marchandises)
-des voies de communications (routes, voies maritimes, chemin de fer, réseaux électriques),
-des lieux d’arrivée et de départ des minerais (parking, gare de triage, ports maritimes),
-des usines de transformations et de fabrications,
-des lieux de stockage des matières utiles, et des déchets
-construction d'habitats pour les travailleurs, etc.,
Toutes ces activités demandent un surplus d’extraction de minerais et donc des dégâts supplémentaires à la biosphère.
Ensuite il faut que les systèmes de production d’énergie utile atteignent leurs utilisateurs (récepteurs). Pour se faire, les énergies fossiles utilisent essentiellement de très gros navires, des pipelines, des trains ou camions citernes et des pompes à carburants. Pour les autres sources d’énergie le vecteur de transport le plus répandu est l’électricité qui nécessite toutes sortes de lignes en cuivre, de pylônes, de transformateurs et de système de contrôle de répartition d’énergie par la technologie des supergrids lesquelles nécessitent à leur tour de puissants ordinateurs très énergivores.
Pour faire tout cela il faut détruire toujours plus de biotopes, des forêts, des terres arables, polluer des eaux et déplacer de force des populations humaines et animales.
Ainsi, l’ensemble des pollutions indirectes issues de la simple transformation d’une énergie primaire quelconque en une énergie utile contribue à perturber l’équilibre de notre biosphère en particulier le monde biologique et sa chaîne alimentaire.
2°) Pollution indirecte due à l’utilisation de l’énergie utile.
Si la production d’énergie utile perturbe l’équilibre de la biosphère, son utilisation la perturbe encore plus. Elle est à la base de la spirale production-consommation-travail. Elle la perturbe par ses activités agricoles, industrielles, touristiques, financières, guerrières, etc.. Elle la perturbe encore en construisant des mégapoles, en bétonnant des zones naturelles, en canalisant des rivières, en détruisant des forêts, des terres arables, des zones humides, etc., Tout ce qui est produit industriellement se retrouve tôt ou tard sous forme de déchets dans l’environnement parce que, Lavoisier l’avait déjà dit, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Mais quand il s’agit de produits industriels, cette transformation, même s' il y a recyclage, se fait au détriment de l’environnement.
L'énergie utile permet de créer d’immenses zones de monocultures avec ses intrants, ses pesticides et herbicides aux dépens de zones naturelles, de la faune et de l'Homme. Elle est nécessaire à la construction de la moindre habitation jusqu'à celle des mégapoles et de tout ce qui touche leur fonctionnement. Tout cela aux dépens de zones naturelles. Elle sert encore à pomper l’eau douce de lacs, de rivières, de nappes phréatiques pour nos besoins domestiques et industriels, pour arroser nos cultures, pour refroidir les nombreux centres de données d’Internet ou même remplir nos piscines. Certains fleuves, comme le Colorado, n’arrivent même plus à la mer.
La liste des dégâts ne s’arrête pas là. Les flux d’énergies utiles perturbent aussi la biosphère en répandant des milliards de tonnes de produits chimiques et industriels indigestes pour la nature comme par exemple les plastiques, les métaux lourds, les PCB, les furanes, pour n’en citer que quelques-uns. Les flux d’énergies utiles permettent aussi le déplacement de milliards de personnes, d’animaux et de nourriture soit le long de millions de km de routes communales, départementales et d’autoroutes, soit à l’aide d’énormes bateaux transportant annuellement des milliards de tonnes de fret, soit aussi par des dizaines de milliers de vol quotidiens transportant des milliards de passagers d’un point du globe à un autre. Plus d’un milliard de voitures avalent annuellement plus d’une dizaine de milliers de milliards de km sur un gigantesque réseau routier. Tous ces déplacements, tous ces transports ont de graves conséquences sur l’environnement en perturbant la biocénose de plusieurs biotopes, introduisant par accidents des espèces exogènes envahissantes qui prolifèrent aux dépens des espèces autochtones.
En résumé et contrairement à ce que certains lobbies essayent de nous faire croire:
Il n’y a pas d’énergie utile propre.
Ainsi les dégâts subis par la biosphère sont proportionnels au cumul de la quantité d’énergie primaire transformée en énergie utile ainsi qu’au cumul d’énergie utile consommée.
C'est donc la somme cumulée des activités humaines soutenues par les énergies exogènes, toutes sources confondues, qui perturbe l’équilibre de la biosphère et non l’utilisation d’une source d’énergie particulière.
Ainsi, la transition énergétique organisée par nos élites n’a rien d’écologique puisqu’elle ne vise pas un meilleur équilibre entre l'Homme et son environnement naturel, ni à la protection de ce dernier car elle ne s’oppose pas à la croissance des activités humaines soutenues par les énergies utiles, source de tous nos problèmes environnementaux et même sociaux.
Les changements apportés à la biosphère ont entre autres des conséquences sur les climats dans différentes régions du monde, sur l’équilibre de la chaîne alimentaire (c’est-à-dire la faune et la flore) et pourraient avoir des conséquences très graves sur la durabilité de notre civilisation.
Mentionnons encore un autre effet des flux d’énergie utile sur notre civilisation.
Parce-que les activités humaines soutenues par les flux d'énergies utiles permettent l’augmentation des richesses matérielles donnant accès à la réalisation des rêves les plus fous, personne ou presque ne veut s’en priver ou même les voir diminuer. La tendance naturelle est plutôt de les voir croître constamment car ils multiplient les opportunités d’actions, lesquelles réclament de plus en plus de flux d’énergie afin que ces nouvelles activités puissent fonctionner. A cause de notre insatisfaction permanente, chaque découverte, chaque nouveau produit réclame soit une amélioration, soit la découverte d’un autre produit ou service dérivé, au nom de la créativité, de la protection intellectuelle, de la course au progrès et de l’augmentation des richesses de la société. C’est d’autant mieux accepté que toutes ces actions augmentent les possibilités d’emplois, tirent les salaires et donc la consommation vers le haut et permettent plus de confort, plus de possibilités de distractions, de soins, etc.. Qui s’en plaindrait ? En fait, la grande majorité d’entre nous aimerions que cela dure le plus longtemps possible sans avoir les inconvénients des différentes pollutions induites, ce qui n’est pas possible comme nous l’avons vu plus haut.
Même le souhait de durabilité promis par nos élus n’est pas possible. En effet, dans un système fini comme notre planète, on doit s’attendre à ce qu’à un moment donné ces flux ne pourront plus croître. Que se passera-t-il alors à cet instant? Nous verrons dans les exposés 6 et 7, qu’au niveau mondial, nos sociétés risquent de rencontrer des difficultés majeures pour assurer ces flux croissants d’énergie ce qui risque de mettre en danger la survie même de notre civilisation.
En résumé : le manque de sagesse de notre civilisation met l’humanité face à une situation cornélienne :
Si les flux d’énergies utiles pouvaient croître indéfiniment, comme certaines personnes l’espèrent, notre civilisation risquerait de s’effondrer car, ce qui lui permet d’exister, la biosphère, deviendra à un moment donné incompatible avec sa survie.
Si au contraire les flux d’énergies utiles qui garantissent le développement de nos sociétés civilisées devaient décroître, volontairement ou pas, alors nos sociétés mondialisées s’effondreraient car un système complexe comme notre civilisation est irréversible et ne peut être « détricoté » vers un niveau durable. Elle ne peut que s’effondrer.
Ces deux menaces sont réelles. Reste à savoir laquelle nous tombera sur la tête en premier.
Nous reviendrons plus en détails sur ces points au cours des prochains exposés, mais auparavant signalons encore un autre aspect négatif des énergies utiles sur les sociétés humaines.
L’ensemble des énergies utiles perturbe l’équilibre de l’ensemble de l’humanité.
L’ensemble des énergies utiles est à la base de la croissance démographique (voir le 8ièm exposé) et à pratiquement toutes les activités humaines rétribuées. De ce fait, la production et l’utilisation d’énergie utile met en jeu des sommes monétaires considérables qui contribuent à faire grossir la masse monétaire mondiale. Cette dernière est colossale et très mal répartie, tant parmi les régions du monde qu’au sein des populations. En conséquence, si les énergies utiles nous aident dans certaines tâches de nos activités rétribuées, la masse monétaire qu’elles génèrent engendre simultanément :
-des tensions géopolitiques entre différentes régions du monde, sources de conflits armés entre ces régions avec leurs cortèges de malheurs et de tragédies.
-des disparités de fortune entre individus produisent la distorsion des pouvoirs. Celui qui détient un pouvoir est en général à haut risque de comportement irrationnel allant parfois jusqu’au syndrome d’Hubris. Le pouvoir financier conduit le plus souvent à des asservissements de tout genre, des injustices sociales, des souffrances psychiques, physiques et sociales exacerbant des troubles du comportement individuel sous l’influence de jalousies, frustrations, humiliations, envies, etc., ainsi que des troubles sociaux pouvant conduire à de tragiques révoltes.
Ainsi il n’est peut-être pas exagéré de dire que la production et l’utilisation d’énergie utile est, outre la source de toutes les pollutions physique environnementales, aussi la mère de la majorité des discordes entre « homo sapiens ».
Curieux d’ailleurs que la Science ait attribué l’adjectif « sapiens » pour définir notre espèce. En effet « sapiens » signifie en latin « intelligent, sage, raisonnable, prudent ». L’est-on vraiment lorsqu’on sait que notre espèce se caractérise plutôt par son insatisfaction permanente, par le culte de l’ego et qu’elle est prête à mourir et faire mourir pour défendre un mythe ou une croyance basée sur du vent ? (Voir à ce sujet le livre passionnant « Sapiens. Une brève histoire de l’humanité » de Yuval Noah Harari, publié chez Albin Michel.) Si nous avions effectivement des qualités de sapiens, aurions-nous rejeté les lois fondamentales de la Nature pour ne penser qu’à nos intérêts immédiats sans se préoccuper de ceux qui nous entourent et de ceux qui viendront après nous?
Le fait d’avoir su transformer des énergies primaires en énergies utiles est une forme indéniable d’intelligence. Par contre, le fait de n’avoir pas su nous limiter à l’essentiel, au risque de faire disparaître notre propre espèce, n'est de toutes évidences, ni raisonnable, ni sage, ni prudent.
Mais ce ne sont là que des propos philosophiques qui nous éloignent quelque peu du sujet de l’énergie. Revenons-y avec la notion du rapport de l’énergie reçue sur l’énergie investie EROEI.
Lire la suite 4-4
Par exemple, concernant les énergies fossiles, la pollution directe ou visible provient de la combustion, toujours incomplète de ces matières. Elle sort des cheminées et des pots d’échappement. On la voit et on la sent. C’est ce type de pollution qui retient avant tout l’attention de nos sociétés car elle émet des particules fines et des gaz à effet de serre. On attribue aux premières toutes sortes de maladies et aux deuxièmes les changements climatiques. Ce sont là les aspects les plus négatifs de cette pollution. Cependant d'un point de vue purement industriel et économique cette pollution est une aubaine. Elle représente le fond de commerce principal d’actions dites écologiques. Elle nourrit de nombreux sujets de recherches pour les technosciences qui espèrent ainsi relancer une industrie mondiale ayant tendance à s’essouffler. Ainsi l’écologie traditionnelle fait le bonheur des États en permettant la création de nombreux emplois.
Toutefois, les solutions proposées pour lutter contre la pollution visible issue des énergies fossiles ne font que déplacer le problème. Si l'emploi de pots catalytiques, de tonnes d'isolants dans les maisons ou le remplacement de moteurs à combustion par des moteurs électriques peuvent en effet diminuer ce type de pollution, elle augmente les pollutions indirectes comme nous allons le voir rapidement maintenant.
En effet, outre la pollution visible, il existe une autre pollution moins visible, plus sournoise, que nous qualifions ici de pollution indirecte. Bien qu’elle soit nettement plus importante que la pollution directe ou visible, elle attire moins l’attention des écologistes et de l’ensemble de la société car elle fait partie intégrante de notre mode de vie et de ce qu’on appelle le progrès. Personne ou presque n’a intérêt à la diminuer, d’autant plus que ce type de pollution est commun à tous les types d’énergie primaire, que ce soit du fossile, du nucléaire, du solaire, de l’éolienne, de la géothermie, de la biomasse ou autres. Elle prend au moins deux formes principales:
1°) Pollution indirecte due à la production d’énergie utile.
Qu’elle que soit l’énergie primaire utilisée, sa transformation nécessite toujours des atteintes à l’environnement. Par exemple, l’énergie potentielle de gravitation d’un réservoir d’eau, transformée en électricité par les barrages hydroélectriques (considérés par les écologistes comme une énergie « verte »), provoquent des changements plus ou moins importants dans le biotope de leurs bassins et de plus nécessitent des mégatonnes de béton armé et beaucoup de métaux pour les turbines, les transformateurs, les lignes électriques, les pylônes etc.
Il faut admettre que toute transformation d’énergie primaire en énergie utile, verte ou pas, nécessite des travaux d’extraction de matières dans la croûte terrestre. Ces extractions concernent parfois directement l’énergie primaire comme c’est le cas pour les énergies fossiles, ou les matières fissiles (comme l’uranium), mais dans tous les cas elles exigent des extractions de matières premières tels le fer, cuivre, manganèse, tungstène, vanadium, lithium, nickel, cobalt, argent, or, mercure, terres rares, ou calcaire de sable et d’argile pour faire du ciment, etc..
Pour quelques grammes de matière utile recherchée, il faut déplacer des quantités considérables de matière non utile à l'Homme mais vitale pour tous les habitants du biotope concerné. Toutes les matières utiles à l'Homme serviront indirectement, et après moult transformations, en général très énergivores, à fabriquer les produits qui entrent dans la construction, l’exploitation et l’entretien des systèmes transformant l’énergie primaire en énergie utile.
A leurs tours, tous ces minerais doivent être déplacés du lieu d’extraction vers le lieu de transformation, puis vers les différentes industries chargées de construire les appareils ad ’hoc pour la transformation d’énergie primaire en énergie utile. Il faudra aussi se débarrasser des énormes quantités de déchets miniers et industriels ainsi générés. Finalement, il faudra déplacer la machinerie de transformation d'énergie ou leurs composants sur leur lieu d’exploitation.
Tout ceci nécessite la construction :
-de véhicules lourds (camions, cargos, trains de marchandises)
-des voies de communications (routes, voies maritimes, chemin de fer, réseaux électriques),
-des lieux d’arrivée et de départ des minerais (parking, gare de triage, ports maritimes),
-des usines de transformations et de fabrications,
-des lieux de stockage des matières utiles, et des déchets
-construction d'habitats pour les travailleurs, etc.,
Toutes ces activités demandent un surplus d’extraction de minerais et donc des dégâts supplémentaires à la biosphère.
Ensuite il faut que les systèmes de production d’énergie utile atteignent leurs utilisateurs (récepteurs). Pour se faire, les énergies fossiles utilisent essentiellement de très gros navires, des pipelines, des trains ou camions citernes et des pompes à carburants. Pour les autres sources d’énergie le vecteur de transport le plus répandu est l’électricité qui nécessite toutes sortes de lignes en cuivre, de pylônes, de transformateurs et de système de contrôle de répartition d’énergie par la technologie des supergrids lesquelles nécessitent à leur tour de puissants ordinateurs très énergivores.
Pour faire tout cela il faut détruire toujours plus de biotopes, des forêts, des terres arables, polluer des eaux et déplacer de force des populations humaines et animales.
Ainsi, l’ensemble des pollutions indirectes issues de la simple transformation d’une énergie primaire quelconque en une énergie utile contribue à perturber l’équilibre de notre biosphère en particulier le monde biologique et sa chaîne alimentaire.
2°) Pollution indirecte due à l’utilisation de l’énergie utile.
Si la production d’énergie utile perturbe l’équilibre de la biosphère, son utilisation la perturbe encore plus. Elle est à la base de la spirale production-consommation-travail. Elle la perturbe par ses activités agricoles, industrielles, touristiques, financières, guerrières, etc.. Elle la perturbe encore en construisant des mégapoles, en bétonnant des zones naturelles, en canalisant des rivières, en détruisant des forêts, des terres arables, des zones humides, etc., Tout ce qui est produit industriellement se retrouve tôt ou tard sous forme de déchets dans l’environnement parce que, Lavoisier l’avait déjà dit, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Mais quand il s’agit de produits industriels, cette transformation, même s' il y a recyclage, se fait au détriment de l’environnement.
L'énergie utile permet de créer d’immenses zones de monocultures avec ses intrants, ses pesticides et herbicides aux dépens de zones naturelles, de la faune et de l'Homme. Elle est nécessaire à la construction de la moindre habitation jusqu'à celle des mégapoles et de tout ce qui touche leur fonctionnement. Tout cela aux dépens de zones naturelles. Elle sert encore à pomper l’eau douce de lacs, de rivières, de nappes phréatiques pour nos besoins domestiques et industriels, pour arroser nos cultures, pour refroidir les nombreux centres de données d’Internet ou même remplir nos piscines. Certains fleuves, comme le Colorado, n’arrivent même plus à la mer.
La liste des dégâts ne s’arrête pas là. Les flux d’énergies utiles perturbent aussi la biosphère en répandant des milliards de tonnes de produits chimiques et industriels indigestes pour la nature comme par exemple les plastiques, les métaux lourds, les PCB, les furanes, pour n’en citer que quelques-uns. Les flux d’énergies utiles permettent aussi le déplacement de milliards de personnes, d’animaux et de nourriture soit le long de millions de km de routes communales, départementales et d’autoroutes, soit à l’aide d’énormes bateaux transportant annuellement des milliards de tonnes de fret, soit aussi par des dizaines de milliers de vol quotidiens transportant des milliards de passagers d’un point du globe à un autre. Plus d’un milliard de voitures avalent annuellement plus d’une dizaine de milliers de milliards de km sur un gigantesque réseau routier. Tous ces déplacements, tous ces transports ont de graves conséquences sur l’environnement en perturbant la biocénose de plusieurs biotopes, introduisant par accidents des espèces exogènes envahissantes qui prolifèrent aux dépens des espèces autochtones.
En résumé et contrairement à ce que certains lobbies essayent de nous faire croire:
Il n’y a pas d’énergie utile propre.
Ainsi les dégâts subis par la biosphère sont proportionnels au cumul de la quantité d’énergie primaire transformée en énergie utile ainsi qu’au cumul d’énergie utile consommée.
C'est donc la somme cumulée des activités humaines soutenues par les énergies exogènes, toutes sources confondues, qui perturbe l’équilibre de la biosphère et non l’utilisation d’une source d’énergie particulière.
Ainsi, la transition énergétique organisée par nos élites n’a rien d’écologique puisqu’elle ne vise pas un meilleur équilibre entre l'Homme et son environnement naturel, ni à la protection de ce dernier car elle ne s’oppose pas à la croissance des activités humaines soutenues par les énergies utiles, source de tous nos problèmes environnementaux et même sociaux.
Les changements apportés à la biosphère ont entre autres des conséquences sur les climats dans différentes régions du monde, sur l’équilibre de la chaîne alimentaire (c’est-à-dire la faune et la flore) et pourraient avoir des conséquences très graves sur la durabilité de notre civilisation.
Mentionnons encore un autre effet des flux d’énergie utile sur notre civilisation.
Parce-que les activités humaines soutenues par les flux d'énergies utiles permettent l’augmentation des richesses matérielles donnant accès à la réalisation des rêves les plus fous, personne ou presque ne veut s’en priver ou même les voir diminuer. La tendance naturelle est plutôt de les voir croître constamment car ils multiplient les opportunités d’actions, lesquelles réclament de plus en plus de flux d’énergie afin que ces nouvelles activités puissent fonctionner. A cause de notre insatisfaction permanente, chaque découverte, chaque nouveau produit réclame soit une amélioration, soit la découverte d’un autre produit ou service dérivé, au nom de la créativité, de la protection intellectuelle, de la course au progrès et de l’augmentation des richesses de la société. C’est d’autant mieux accepté que toutes ces actions augmentent les possibilités d’emplois, tirent les salaires et donc la consommation vers le haut et permettent plus de confort, plus de possibilités de distractions, de soins, etc.. Qui s’en plaindrait ? En fait, la grande majorité d’entre nous aimerions que cela dure le plus longtemps possible sans avoir les inconvénients des différentes pollutions induites, ce qui n’est pas possible comme nous l’avons vu plus haut.
Même le souhait de durabilité promis par nos élus n’est pas possible. En effet, dans un système fini comme notre planète, on doit s’attendre à ce qu’à un moment donné ces flux ne pourront plus croître. Que se passera-t-il alors à cet instant? Nous verrons dans les exposés 6 et 7, qu’au niveau mondial, nos sociétés risquent de rencontrer des difficultés majeures pour assurer ces flux croissants d’énergie ce qui risque de mettre en danger la survie même de notre civilisation.
En résumé : le manque de sagesse de notre civilisation met l’humanité face à une situation cornélienne :
Si les flux d’énergies utiles pouvaient croître indéfiniment, comme certaines personnes l’espèrent, notre civilisation risquerait de s’effondrer car, ce qui lui permet d’exister, la biosphère, deviendra à un moment donné incompatible avec sa survie.
Si au contraire les flux d’énergies utiles qui garantissent le développement de nos sociétés civilisées devaient décroître, volontairement ou pas, alors nos sociétés mondialisées s’effondreraient car un système complexe comme notre civilisation est irréversible et ne peut être « détricoté » vers un niveau durable. Elle ne peut que s’effondrer.
Ces deux menaces sont réelles. Reste à savoir laquelle nous tombera sur la tête en premier.
Nous reviendrons plus en détails sur ces points au cours des prochains exposés, mais auparavant signalons encore un autre aspect négatif des énergies utiles sur les sociétés humaines.
L’ensemble des énergies utiles perturbe l’équilibre de l’ensemble de l’humanité.
L’ensemble des énergies utiles est à la base de la croissance démographique (voir le 8ièm exposé) et à pratiquement toutes les activités humaines rétribuées. De ce fait, la production et l’utilisation d’énergie utile met en jeu des sommes monétaires considérables qui contribuent à faire grossir la masse monétaire mondiale. Cette dernière est colossale et très mal répartie, tant parmi les régions du monde qu’au sein des populations. En conséquence, si les énergies utiles nous aident dans certaines tâches de nos activités rétribuées, la masse monétaire qu’elles génèrent engendre simultanément :
-des tensions géopolitiques entre différentes régions du monde, sources de conflits armés entre ces régions avec leurs cortèges de malheurs et de tragédies.
-des disparités de fortune entre individus produisent la distorsion des pouvoirs. Celui qui détient un pouvoir est en général à haut risque de comportement irrationnel allant parfois jusqu’au syndrome d’Hubris. Le pouvoir financier conduit le plus souvent à des asservissements de tout genre, des injustices sociales, des souffrances psychiques, physiques et sociales exacerbant des troubles du comportement individuel sous l’influence de jalousies, frustrations, humiliations, envies, etc., ainsi que des troubles sociaux pouvant conduire à de tragiques révoltes.
Ainsi il n’est peut-être pas exagéré de dire que la production et l’utilisation d’énergie utile est, outre la source de toutes les pollutions physique environnementales, aussi la mère de la majorité des discordes entre « homo sapiens ».
Curieux d’ailleurs que la Science ait attribué l’adjectif « sapiens » pour définir notre espèce. En effet « sapiens » signifie en latin « intelligent, sage, raisonnable, prudent ». L’est-on vraiment lorsqu’on sait que notre espèce se caractérise plutôt par son insatisfaction permanente, par le culte de l’ego et qu’elle est prête à mourir et faire mourir pour défendre un mythe ou une croyance basée sur du vent ? (Voir à ce sujet le livre passionnant « Sapiens. Une brève histoire de l’humanité » de Yuval Noah Harari, publié chez Albin Michel.) Si nous avions effectivement des qualités de sapiens, aurions-nous rejeté les lois fondamentales de la Nature pour ne penser qu’à nos intérêts immédiats sans se préoccuper de ceux qui nous entourent et de ceux qui viendront après nous?
Le fait d’avoir su transformer des énergies primaires en énergies utiles est une forme indéniable d’intelligence. Par contre, le fait de n’avoir pas su nous limiter à l’essentiel, au risque de faire disparaître notre propre espèce, n'est de toutes évidences, ni raisonnable, ni sage, ni prudent.
Mais ce ne sont là que des propos philosophiques qui nous éloignent quelque peu du sujet de l’énergie. Revenons-y avec la notion du rapport de l’énergie reçue sur l’énergie investie EROEI.
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