3-1
L'évolution de l'Homme durant le néolithique ou genèse de la complexité des sociétés humaines
Dans son nouveau mode d'existence, l'Homme sédentarisé a transféré petit à petit la sacralité de la Nature vers des dieux sortis de son imagination. Il les construira parfois à son image, leur donnant la parole par laquelle ils énoncent des règles dites divines, donc arbitraires mais indiscutables, sur ce qui doit être respecté, sur ce qui est juste, sur ce qui est mal. L’Homme moderne, chez qui le sentiment de sacrilège envers la Nature a disparu au profit de la crainte du sacrilège envers les dieux, ne se sent pas fautif de modifier à sa convenance son environnement, de le posséder et de le mettre à la disposition de ceux qu’il juge méritants. Cela ne restera pas sans conséquence.
En devenant sédentaire, l'Homme est entré dans l’engrenage de la croissance de la complexité de la société. Il est contraint de progresser sans cesse, non plus pour satisfaire les exigences de la Nature, mais cette fois pour satisfaire ses propres exigences. Ces dernières s’avèrent sans limites. Les défis techniques et sociaux de plus en plus nombreux auxquels l'Homme est confronté demandent des réponses qui, à leur tour, entraînent de nouveaux défis et ainsi de suite. Les sociétés, d'abord peu complexes, progressent au rythme des flux d’énergie disponibles. Les premiers abris en « dur » voient le jour. Puis les agglomérations grandissent pour devenir des villes favorisant les échanges d’idées, de pensées, de méthodes de travail, d’ambitions. L’Homme devient progressivement civilisé, c'est-à-dire " l’Homme des cités". Tout change alors très vite dans le domaine des mœurs, des connaissances, des idées, de l’art, de la politique et de la technique.
C’est à ce moment précis que la complexité des sociétés humaines entre dans la spirale croissante des progrès techniques, lesquels engendrent à leur tour la croissance ininterrompue de nouveaux problèmes techniques, économiques et sociaux. Par exemple, le fait de récolter plus que le besoin immédiat du groupe, tout comme la sédentarisation, va permettre la croissance démographique. Cette dernière sera d’ailleurs nécessaire pour accomplir toutes les tâches qu’entraîne ce nouveau mode d’existence: les surplus devront être protégés du pourrissement, des prédateurs et des convoitises. Il faudra trouver des moyens pour les stocker, les conserver, les transporter. Les échanges de surplus avec d’autres groupes entraîneront à terme des systèmes d'écriture, des méthodes arithmétiques et comptables. Les tâches de chacun devront se multiplier, se différencier, se spécialiser. Il va falloir préparer de nouvelles terres à cultiver, bâtir des lieux de stockage et des systèmes d’irrigation, construire des habitats, des voies de communications et des moyens de transport. Il faudra aussi nommer des responsables, certains chargés de la protection des richesses par les armes, d'autres pour favoriser les échanges de biens et de services, etc.. Toute la communauté sera en général gouvernée par un puissant et despotique chef.
La diversité des tâches impose des hiérarchies à la fois sur leur importance et par ricochet sur les individus qui les accomplissent, créant ainsi les classes sociales. Pour survivre, pour s’imposer sur les autres groupes, un esprit de compétition devra se développer, créant une classification plus ou moins arbitraire de la valeur des biens, des services, des individus et des groupes. Cette hiérarchie de valeurs conduit aux notions du bien, du mal, du beau, du laid et du meilleur, dont une des conséquences sera la croissance des ego individuels et collectifs. Cette hiérarchie fera croître l’insatisfaction permanente et exaltera l’esprit de compétition, ce qui oblige à des améliorations constantes, même si elles ne sont pas vitales ou nécessaires. Cette recherche du toujours mieux, du plus fort, du plus beau, du plus spectaculaire est devenu de nos jours un but en soi, une raison d’être, une sorte de culte qu’on appellera le progrès à tout prix, catalyseur de toutes les croissances.
Lorsque les sociétés humaines ont laissé suffisamment de traces artistiques, religieuses, culturelles et de constructions monumentales, telles celles de Sumer, de l’antique Égypte, d’Athènes ou de Rome, ou encore celles de la vallée de l’Indus, de la Chine et de l’Amérique du Sud, pour n’en citer que quelques-unes, nous parlons alors de civilisations.
Depuis le début du néolithique plusieurs civilisations sont apparues dans diverses régions de la planète. Leurs niveaux de complexité ont tous suivi une allure semblable. D'abord une progression rapide jusqu'à atteindre une apogée puis un effondrement plus ou moins rapide. (Lire à ce sujet le livre de J. Diamond : "Effondrement: Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie"). Aucune de ces civilisations n'a été durable au sens étymologique du terme. Leur durée-type varie de quelques siècles à quelques millénaires. Si, dans le passé, la disparition d'une civilisation était une tragédie pour sa population, elle n'avait pas ou peu de conséquences sur les autres civilisations, en général éloignées dans l'espace et dans le temps.
De nos jours, il n'existe pratiquement plus qu'une seule civilisation, la nôtre, qui peu à peu a imposé ses valeurs sociétales à quasi toutes les populations de la planète. Elle n'est âgée que de quelques siècles. Échappera-t-elle au destin des autres civilisations? Pourrait-elle durer quatre ou cinq millénaires comme l'a fait la civilisation égyptienne ? Nous tenterons de répondre à cette question tout au long des exposés qui vont suivre.
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En devenant sédentaire, l'Homme est entré dans l’engrenage de la croissance de la complexité de la société. Il est contraint de progresser sans cesse, non plus pour satisfaire les exigences de la Nature, mais cette fois pour satisfaire ses propres exigences. Ces dernières s’avèrent sans limites. Les défis techniques et sociaux de plus en plus nombreux auxquels l'Homme est confronté demandent des réponses qui, à leur tour, entraînent de nouveaux défis et ainsi de suite. Les sociétés, d'abord peu complexes, progressent au rythme des flux d’énergie disponibles. Les premiers abris en « dur » voient le jour. Puis les agglomérations grandissent pour devenir des villes favorisant les échanges d’idées, de pensées, de méthodes de travail, d’ambitions. L’Homme devient progressivement civilisé, c'est-à-dire " l’Homme des cités". Tout change alors très vite dans le domaine des mœurs, des connaissances, des idées, de l’art, de la politique et de la technique.
C’est à ce moment précis que la complexité des sociétés humaines entre dans la spirale croissante des progrès techniques, lesquels engendrent à leur tour la croissance ininterrompue de nouveaux problèmes techniques, économiques et sociaux. Par exemple, le fait de récolter plus que le besoin immédiat du groupe, tout comme la sédentarisation, va permettre la croissance démographique. Cette dernière sera d’ailleurs nécessaire pour accomplir toutes les tâches qu’entraîne ce nouveau mode d’existence: les surplus devront être protégés du pourrissement, des prédateurs et des convoitises. Il faudra trouver des moyens pour les stocker, les conserver, les transporter. Les échanges de surplus avec d’autres groupes entraîneront à terme des systèmes d'écriture, des méthodes arithmétiques et comptables. Les tâches de chacun devront se multiplier, se différencier, se spécialiser. Il va falloir préparer de nouvelles terres à cultiver, bâtir des lieux de stockage et des systèmes d’irrigation, construire des habitats, des voies de communications et des moyens de transport. Il faudra aussi nommer des responsables, certains chargés de la protection des richesses par les armes, d'autres pour favoriser les échanges de biens et de services, etc.. Toute la communauté sera en général gouvernée par un puissant et despotique chef.
La diversité des tâches impose des hiérarchies à la fois sur leur importance et par ricochet sur les individus qui les accomplissent, créant ainsi les classes sociales. Pour survivre, pour s’imposer sur les autres groupes, un esprit de compétition devra se développer, créant une classification plus ou moins arbitraire de la valeur des biens, des services, des individus et des groupes. Cette hiérarchie de valeurs conduit aux notions du bien, du mal, du beau, du laid et du meilleur, dont une des conséquences sera la croissance des ego individuels et collectifs. Cette hiérarchie fera croître l’insatisfaction permanente et exaltera l’esprit de compétition, ce qui oblige à des améliorations constantes, même si elles ne sont pas vitales ou nécessaires. Cette recherche du toujours mieux, du plus fort, du plus beau, du plus spectaculaire est devenu de nos jours un but en soi, une raison d’être, une sorte de culte qu’on appellera le progrès à tout prix, catalyseur de toutes les croissances.
Lorsque les sociétés humaines ont laissé suffisamment de traces artistiques, religieuses, culturelles et de constructions monumentales, telles celles de Sumer, de l’antique Égypte, d’Athènes ou de Rome, ou encore celles de la vallée de l’Indus, de la Chine et de l’Amérique du Sud, pour n’en citer que quelques-unes, nous parlons alors de civilisations.
Depuis le début du néolithique plusieurs civilisations sont apparues dans diverses régions de la planète. Leurs niveaux de complexité ont tous suivi une allure semblable. D'abord une progression rapide jusqu'à atteindre une apogée puis un effondrement plus ou moins rapide. (Lire à ce sujet le livre de J. Diamond : "Effondrement: Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie"). Aucune de ces civilisations n'a été durable au sens étymologique du terme. Leur durée-type varie de quelques siècles à quelques millénaires. Si, dans le passé, la disparition d'une civilisation était une tragédie pour sa population, elle n'avait pas ou peu de conséquences sur les autres civilisations, en général éloignées dans l'espace et dans le temps.
De nos jours, il n'existe pratiquement plus qu'une seule civilisation, la nôtre, qui peu à peu a imposé ses valeurs sociétales à quasi toutes les populations de la planète. Elle n'est âgée que de quelques siècles. Échappera-t-elle au destin des autres civilisations? Pourrait-elle durer quatre ou cinq millénaires comme l'a fait la civilisation égyptienne ? Nous tenterons de répondre à cette question tout au long des exposés qui vont suivre.
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